Grand Claus et petit Clauspage 5 / 10
- Oh ! s'écria-t-il en faisant un saut en arrière. Je l'ai donc vu, cet affreux Satan. En effet, c'est notre sacristain tout vif. Oh ! quelle horreur ! Pour se remettre de son émotion, le fermier voulut boire encore un coup, comme les trois bouteilles étaient vides, il alla en chercher une à la cave. Ils restèrent longtemps ainsi à trinquer et à jaser.
- Ce magicien, dit enfin le paysan, il faut que tu me le vendes. Demande le prix que tu veux. Tiens, je te donnerai un boisseau plein d'écus.
- Non, je ne puis pas, répondit petit Claus. Pense donc quel profit je puis tirer de cet obligeant sorcier qui fait tout ce que je veux.
- Voyons, fais-moi cette amitié, dit le paysan. Si tu ne me le donnes pas, je me consumerai de regret.
- Allons, soit ! puisque tu as montré ton bon cœur en m'offrant un gîte pour la nuit, je ferai ce sacrifice. Mais tu sais, j'aurai un plein boisseau d'écus, et la bonne mesure ?
- C'est entendu, dit le paysan. Il faut aussi que tu emportes cette caisse là-bas, je ne veux plus l'avoir une minute à la maison. On ne sait pas, peut-être le diable y est-il resté logé. Le marché conclu, petit Claus voulut absolument partir au milieu de la nuit, de peur que le paysan ne vînt à changer d'avis, il livra sa marchandise, son sac avec la peau, et reçut tout un boisseau de beaux écus trébuchants, pour qu'il pût emporter la caisse, le paysan lui donna en outre une petite charrette. Petit Claus y chargea son argent et le coffre contenant le sacristain, après une cordiale poignée de main échangée avec le paysan, il s'en alla, reprenant le chemin de sa maison. Il traversa de nouveau la grande forêt et arriva sur les bords d'un fleuve large et profond, dont le courant était si rapide que les plus forts nageurs avaient bien de la peine à le remonter. On y avait construit tout nouvellement un pont. Petit Claus s'y engagea, poussant sa charrette, au milieu il s'arrêta et dit tout haut, pour que le sacristain pût l'entendre :