Le compagnon de routepage 7 / 14
- Deux ailes magnifiques, si blanches et si grandes, cela vaut de l'argent, je vais les emporter, dit le compagnon de route. Il trancha d'un coup les deux ailes du cygne mort, il voulait les conserver. Leur voyage les mena encore des lieues et des lieues par-dessus les montagnes, enfin ils virent devant eux une grande ville aux cent tours qui étincelaient dit le compagnon de route comme de l'argent sous les rayons du soleil. Au centre de la ville s'élevait un magnifique palais de marbre, à la toiture d'or rouge. Là vivait le roi. Johannès et son camarade s'arrêtèrent hors des portes à une auberge pour faire un brin de toilette et avoir bonne apparence en arrivant dans les rues. L'hôtelier leur raconta que le roi était un brave homme mais que sa fille était une très méchante princesse. Belle, elle l'était certainement, mais à quoi bon puisqu'elle était si mauvaise, une véritable sorcière responsable de la mort de tant de beaux princes. Elle avait donné permission à tout le monde de prétendre à sa main. Chacun pouvait venir, prince ou gueux, qu'importe ! Mais il leur fallait répondre à trois questions qu'elle posait. Celui qui donnerait la bonne réponse deviendrait son époux et il régnerait sur le pays après la mort de son père, mais celui qui ne répondrait pas était pendu ou avait la tête tranchée. Son père, le roi, en était profondément affligé, mais il ne pouvait lui défendre d'être si mauvaise car il avait dit une fois pour toutes qu'il n'aurait jamais rien à faire avec ses prétendants et qu'elle pouvait, à ce sujet, agir à sa guise. Chaque fois que venait un prince qui briguait la main de la princesse, il ne réussissait jamais et il était pendu ou avait la tête tranchée quoiqu'on l'eût averti à temps et qu'il eût pu renoncer à sa demande. Le vieux roi était si malheureux de toute cette désolation qu'il restait, tous les ans, une journée entière à genoux avec tous ses soldats, à prier pour que la princesse devînt bonne, mais elle ne changeait en rien. Les vieilles femmes qui buvaient de l'eau-de-vie la coloraient en noir avant de boire pour marquer ainsi leur deuil … elles ne pouvaient faire davantage.