Le compagnon de routepage 8 / 14
- Quelle vilaine princesse ! dit Johannès, elle mériterait d'être fouettée, cela lui ferait du bien. Si j'étais le vieux roi elle en verrait de belles. À cet instant, on entendit le peuple crier : « Hourra ! » La princesse passait et elle était si parfaitement belle que tous oubliaient sa méchanceté et l'acclamaient. Douze ravissantes demoiselles vêtues de robes de soie blanche, montées sur des chevaux d'un noir de jais, l'accompagnaient. La princesse elle- même avait un cheval tout blanc paré de diamants et de rubis, son costume d'amazone était tissé d'or pur et la cravache qu'elle tenait à la main était comme un rayon de soleil. Le cercle d'or de sa couronne semblait serti de petites étoiles du ciel et sa cape cousue de milliers d'ailes de papillons. Lorsque Johannès l'aperçut, son visage devint rouge comme un sang qui coule, il put à peine articuler un mot. La princesse ressemblait exactement à cette adorable jeune fille couronnée d'or dont il avait rêvé la nuit de la mort de son père. Il la trouvait si belle qu'il ne put se défendre de l'aimer. Il pensait qu'il n'était certainement pas vrai qu'elle pût être une méchante sorcière faisant pendre ou décapiter les gens s'ils ne devinaient pas l'énigme.
- Chacun a le droit de prétendre à sa main, même le plus pauvre des gueux, moi je monterai au château, c'est plus fort que moi. Tout le monde lui déconseilla de le faire. Le compagnon de route l'en détourna également mais Johannès était d'avis que tout irait bien, il brossa ses chaussures et son habit, lava son visage et ses mains, peigna avec soin ses beaux cheveux blonds et partit tout seul vers la ville pour monter au château.
- Entrez, dit le vieux roi lorsque Johannès frappa à la porte. Le jeune homme ouvrit et le vieux roi, en robe de chambre et pantoufles brodées, vint à sa rencontre, couronne d'or sur la tête, sceptre dans une main et pomme d'or dans l'autre.
- Attendez ! fit-il prenant la pomme d'or sous le bras pour pouvoir tendre la main. Mais quand il eut appris que c'était encore un prétendant, il se mit à pleurer si fort que le sceptre et la pomme roulèrent à terre, il dut s'essuyer les yeux.