Le compagnon de routepage 6 / 14
- Prenez-la, au besoin, mais graissez mon mari et les gens de ma cour ! À cette prière, le pauvre propriétaire du théâtre et de la troupe de marionnettes ne put retenir ses larmes tant il avait de la peine, il promit au compagnon de route de lui donner toute la recette du lendemain soir s'il voulait seulement graisser quatre ou cinq de ses plus belles poupées. Le compagnon cependant affirma ne rien demander si ce n'est le grand sabre que l'autre portait à son côté et dès qu'il l'eut obtenu, il graissa six poupées, lesquelles se mirent aussitôt à danser et cela avec tant de grâce que toutes les jeunes filles, les vivantes, qui les regardaient, se mirent à danser aussi. Le cocher dansait avec la cuisinière, le valet avec la femme de chambre, et la pelle à feu avec la pincette, mais ces deux dernières s'écroulèrent dès le premier saut. Quelle joyeuse nuit ! Le lendemain Johannès partit avec son camarade. Quittant toute la compagnie, ils grimpèrent sur les montagnes et traversèrent les grandes forêts de sapins. Ils montèrent si haut qu'à la fin les clochers d'églises au-dessous d'eux semblaient de petites baies rouges perdues dans la verdure et la vue s'étendait loin. Johannès n'avait encore jamais vu d'un coup une si grande et si belle étendue de merveilles de ce monde, le soleil brillait et réchauffait dans la fraîcheur de l'air bleu, le son des cors de chasse à travers les monts était si beau que des larmes d'heureuse émotion montaient à ses yeux et qu'il ne pouvait que répéter :
- Notre-Seigneur miséricordieux, je voudrais t'embrasser. Toi si bon pour nous tous qui nous fais don de tout ce bonheur et de ces délices ! Le camarade, debout, joignait aussi les mains, admirant les forêts et les villes. À cet instant, ils entendirent une musique exquise et étrange et, levant les yeux, ils virent un grand cygne blanc planant dans l'air. Il était si beau et chantait comme ils n'avaient encore jamais entendu chanter un oiseau mais il s'affaiblissait de plus en plus, il pencha sa tête et vint tomber mort à leurs pieds.