Le Schilling d'argent : Deuxième partiepage 3 / 3
- Elle est fausse, elle ne vaut rien ! Voilà les affligeantes paroles que je fus condamné pour la centième fois à entendre. On me l'a pourtant donnée pour bonne, dit l'étranger en me considérant avec attention. Un sourire s'épanouit tout à coup sur ses lèvres. C'était extraordinaire ; toute autre était l'impression que je produisais habituellement sur ceux qui me regardaient. Tiens ! s'écria-t-il, c'est une pièce de mon pays, un brave et honnête schilling. On l'a troué ; on l'a traité comme une pièce fausse. Je vais le garder et je le remporterai chez nous.
- Je fus, à ces mots, pénétré de la joie la plus vive. Depuis longtemps je n'étais plus accoutumé à recevoir des marques d'estime. On m'appelait un brave et honnête schilling, et bientôt je retournerais dans mon pays, où tout le monde me ferait fête comme autrefois. Je crois que, dans mon transport, j'aurais lancé des étincelles si ma substance l'avait permis. Je fus enveloppé dans du beau papier de soie, afin de ne plus être confondu avec les autres monnaies ; et lorsque mon possesseur rencontrait des compatriotes, il me montrait à eux ; tous disaient du bien de moi, et l'on prétendait même que mon histoire était intéressante. Enfin j'arrivai dans ma patrie. Toutes mes peines furent finies, et je repris un nouveau plaisir à l'existence. Je n'éprouvais plus de contrariétés ; je ne subissais plus d'affronts. J'avais l'apparence d'une pièce fausse à cause du trou dont j'étais percé ; mais cela n'y faisait rien ; on s'assurait tout de suite que j'étais de bon aloi et l'on me recevait partout avec plaisir. Ceci prouve qu'avec la patience et le temps, on finit toujours par être apprécié à sa véritable valeur. C'est vraiment ma conviction, dit le schilling en terminant son récit.