Grand Claus et petit Clauspage 9 / 10
- Coquin, cria-t-il, tu as tué ma grand-mère ! Regarde le trou que tu lui as fait au front !
- Quel malheur ! dit l'aubergiste en se tordant les mains de désespoir. Voilà ce que c'est d'être emporté et violent. Écoute bien, cher petit Claus, ne me dénonce pas et je te donnerai un boisseau plein d'argent, et je ferai enterrer ta grand-mère avec autant de pompe que si c'était la mienne. Mais jamais tu ne souffleras mot sur ce qui vient de se passer, la justice me couperait le cou, et c'est tout ce qu'il y a de plus désagréable. Petit Claus accepta le marché, reçut un boisseau plein de beaux écus neufs et sa grand-mère fut magnifiquement enterrée. Lorsqu'il fut de retour chez lui avec son magot, il envoya de nouveau un gamin emprunter chez grand Claus un boisseau.
- Quelle est cette plaisanterie ? se dit grand Claus. Est-ce que je ne l'ai pas tué de ma propre main ? Je m'en vais aller voir moi-même ce que cela signifie. Et il accourut avec le boisseau. Il resta bouche béante et les yeux écarquillés lorsqu'il aperçut petit Claus qui avait mis tout son trésor en un seul tas et qui y plongeait les mains avec amour.
- Cela t'étonne de me voir encore en vie, dit petit Claus, mais tu t'es trompé et tu as assommé ma grand-mère. J'ai vendu son corps à un médecin qui m'en a donné plein un boisseau d'argent.
- C'est un fameux prix ! dit grand Claus. Et il courut chez lui encore plus vite qu'il n'était venu, prit une hache et tua d'un coup sa pauvre grand-mère. Il chargea son corps sur une voiture et s'en fut à la ville trouver un apothicaire de sa connaissance, pour lui demander s'il ne savait pas un médecin qui voulût acheter un cadavre.
- Un cadavre ! s'écria l'apothicaire. D'où le tenez-vous et comment avez-vous le droit de le vendre ?
- Oh ! il est bien à moi, répondit grand Claus. C'est le corps de ma grand-mère. Je viens de la tuer, elle n'avait plus grand amusement dans ce monde, la pauvre femme, et l'on m'en donnera un boisseau plein d'écus.