La clochepage 3 / 5
Voilà qu'au même instant le son retentit au fond de la forêt, si plein, si majestueux et solennel, que tous en furent saisis. Cependant il n'y en eut que cinq, tous des garçons, qui résolurent de tenter l'aventure et de s'engager sous-bois. C'est aussi qu'il était difficile d'y pénétrer : les arbres étaient serrés, entremêlés de ronces et de hautes fougères, de longues guirlandes de liserons arrêtaient encore la marche, il y avait aussi des cailloux pointus, et de gros quartiers de roches, et des marécages. Ils avançaient péniblement, lorsque toute une nichée de rossignols fit entendre un ravissant concert, ils marchent dans cette direction et arrivent à une charmante clairière, tapissée de mousses de toutes nuances, de muguets, d'orchidées et autres jolies fleurs, au milieu, une source fraîche et abondante sortait d'un rocher, son murmure faisait comme : Glouk ! glouk !
" Ne serait-ce pas là la fameuse cloche ? dit l'un d'eux, en mettant son oreille contre terre pour mieux entendre. Je m'en vais rester pour tirer la chose au clair. "
Un second lui tint compagnie pour qu'il n'eût pas seul l'honneur de la découverte. Les trois autres reprirent leur marche en avant. Ils atteignirent un amour de petite hutte, construite en écorce et couverte d'herbes et de branchages, le toit était abrité par la couronne d'un pommier sauvage, tout chargé de fleurs roses et blanches, au-dessus de la porte était suspendue une clochette.
" Voilà donc le mystère !" s'écria l'un d'eux, et l'autre l'approuva aussitôt. Mais le troisième déclara que cette cloche n'était pas assez grande pour être entendue de si loin et pour produire des sons qui remuaient tous les cœurs, que ce n'était là qu'un joujou. Celui qui disait cela, c'était le fils d'un roi, les deux autres se dirent que les princes voulaient toujours tout mieux savoir que le reste du monde, ils gardèrent leur idée, et s'assirent pour attendre que le vent agitât la petite cloche. Lui s'en fut tout seul, mais il était plein de courage et d'espoir, sa poitrine se gonflait sous l'impression de la solitude solennelle où il se trouvait. De loin, il entendit le gentil carillon de la clochette, et le vent lui apportait aussi parfois le son de la cloche du pâtissier. Mais la vraie cloche, celle qu'il cherchait, résonnait tout autrement, par moments, il l'entendait sur la gauche, "du côté du cœur ", se dit-il, maintenant qu'il approchait, cela faisait l'effet de tout un jeu d'orgue. Voilà qu'un bruit se fait entendre dans les broussailles, et il en sort un jeune garçon en sabots et portant une jaquette trop petite pour sa taille, et qui laissait bien voir quelles grosses mains il avait. Ils se reconnurent, c'était celui des nouveaux confirmés qui avait dû rentrer à la maison, pour remettre au fils de son patron le bel habit et les bottines vernies qu'on lui avait prêtés. Mais, son devoir accompli, il avait endossé ses pauvres vêtements, mis ses sabots, et il était reparti, à la hâte, à la recherche de la cloche, qui avait si délicieusement fait vibrer son cœur.