La clochepage 2 / 5
" Assurément, ce n'est pas un hibou, se dirent ils, qui fait ce bruit."
Trois d'entre eux, cependant, rebroussèrent chemin. D'abord une jeune fille évaporée, qui attendait à la maison la couturière et devait essayer la robe qu'elle aurait à mettre au prochain bal, le premier où elle devait paraître de sa vie.
" Impossible, dit-elle, de négliger une affaire si importante."
Puis, ce fut un pauvre garçon qui avait emprunté son habit de cérémonie et ses bottines vernies au fils de son patron, il avait promis de rendre le tout avant le soir, et, en tout cas, il ne voulait pas aventurer au milieu des broussailles la propriété d'autrui. Le troisième qui rentra en ville, c'était un garçon qui déclara qu'il n'allait jamais au loin sans ses parents, et que les bienséances le commandaient ainsi. On se mit à sourire, il prétendit que c'était fort déplacé, alors, les autres rirent aux éclats, mais il ne s'en retourna pas moins, très fier de sa belle et sage conduite. Les autres trottinèrent en avant et s'engagèrent sur la grande route plantée de tilleuls. Le soleil pénétrait en rayons dorés à travers le feuillage, les oiseaux entonnaient un joyeux concert et toute la bande chantait en chœur avec eux, se tenant par la main, riches et pauvres, roturiers et nobles, ils étaient encore jeunes et ne regardaient pas trop à la distinction des rangs, du reste, ce jour-là, ne s'étaient-ils pas sentis tous égaux devant Dieu ? Mais bientôt, deux parmi les plus petits se dirent fatigués et retournèrent en arrière, puis, trois jeunes filles s'abattirent sur un champ de bleuets et de coquelicots, S'amusèrent à tresser des couronnes et ne pensèrent plus à la cloche. Lorsqu'on fut sur le talus planté de saules, on se débanda et, par groupes, ils allèrent s'attabler chez les pâtissiers.
" Oh ! Qu'il fait charmant ici ! disaient la plupart. Restons assis et reposons-nous. La cloche, il est probable qu'elle n'existe pas, et que tout cela n'est que fantasmagorie. "