Les voisinspage 6 / 9
- Moi, je vous ferai bien décamper, dit le plus jeune, quand je viendrai installer ici ma nichée.
- Tais-toi, blanc-bec, dit le second, je serai marié bien avant toi, et avec ma femme et mes petits je te ferai une belle conduite si tu viens ici.
- Et moi, je ne compte donc pour rien ? s'écria l'aîné. La querelle s'envenima, ils se mirent à se battre des ailes, à se donner des coups de bec, les voilà tous trois hors du nid dans la gouttière, ils restèrent à plat quelque temps, clignotant des yeux de l'air le plus niais. Enfin ils se relevèrent, ils savaient un peu voleter, et les deux aînés, se sentant le désir de voir le monde, laissèrent le nid au plus jeune. Avant de se séparer, ils convinrent d'un signe pour se reconnaître plus tard : c'était un pip prolongé, accompagné de trois grattements avec la patte gauche, ils devaient apprendre ce moyen de reconnaissance à leurs petits. Le plus jeune se carrait avec délices dans le nid, qui était maintenant à lui seul. Mais dès la nuit suivante le feu prit au toit, qui était de chaume, il flamba en un instant et le moineau fut grillé. Lorsque le soleil apparut, il ne restait plus debout que quelques poutres à moitié calcinées, appuyées contre un pan de mur. Les décombres fumaient encore. À côté des ruines, le rosier était resté aussi frais, aussi fleuri que la veille, l'image de ses riches bouquets se reflétait toujours dans l'eau.
- Quel effet pittoresque font ces fleurs épanouies devant ces ruines ! s'écria un passant. Il me faut dessiner cela. Et il tira d'un cahier une feuille de papier et se mit à tracer un croquis : c'était un peintre. Il dessina les restes de la maison, la cheminée qui menaçait de s'écrouler, les débris de toute sorte, et en avant le magnifique rosier couvert de fleurs. Ce contraste entre la nature, toujours belle et vivante, et l'œuvre de l'homme, si périssable, était saisissant. Dans la journée, les deux jeunes moineaux envolés de la veille vinrent faire un tour aux lieux de leur naissance.