Les voisinspage 4 / 9
- Attendez, c'est moi qui leur arracherai leurs plumes ! s'écria le petit moineau, qui n'avait lui-même encore qu'un mince duvet. Dans la maison habitaient un jeune fermier et sa femme, c'étaient de bien braves gens, ils travaillaient ferme, tout chez eux avait un air propre et gai. Tous les dimanches matin, la fermière allait cueillir un bouquet des plus belles roses et les mettait dans un vase plein d'eau sur le grand bahut. »Voilà mon véritable almanach, disait le mari, c'est à cela que je vois que c'est bien aujourd'hui dimanche. » Et il donnait à sa femme un gros baiser.
- Que c'est fastidieux, toujours des roses ! dit la mère moineau. Tous les dimanches on renouvelait le bouquet, mais pour cela le rosier ne dégarnissait pas de fleurs. Dans l'intervalle il était poussé des plumes aux petits moineaux, ils demandèrent un jour à accompagner leur maman au fameux pigeonnier, mais elle ne le permit pas encore. Elle partit pour aller leur chercher à manger, la voilà tout à coup prise au lacet que des gamins avaient tendu sur une branche d'arbre. La pauvrette avait ses pattes entortillées dans le crin qui la serrait horriblement. Les gamins, qui guettaient sous un bosquet, accoururent et saisirent l'oiseau brusquement.
- Ce n'est qu'un pierrot ! dirent-ils. Mais ils ne le relâchèrent pas pour cela. Ils l'emportèrent à la maison, et chaque fois que le malheureux oiseau se démenait et criait, ils le secouaient. Chez eux ils trouvèrent un vieux colporteur, qui était en tournée. C'était un rieur, à l'aide de ses plaisanteries il vendait force morceaux de savon et pots de pommade. Les galopins lui montrèrent le moineau.
- Écoutez, dit-il, nous allons le faire bien beau, il ne se reconnaîtra plus lui-même. L'infortunée maman moineau frissonna de tous ses membres. Le vieux prit dans sa balle un morceau de papier doré qu'il découpa artistement, il enduisit l'oiseau de toutes parts avec du blanc d'œuf, et colla le papier dessus. Les gamins battaient des mains en voyant le pierrot doré sur toutes les coutures, mais lui ne songeait guère à sa toilette resplendissante, il tremblait comme une feuille. Le vieux loustic coupa ensuite un petit morceau d'étoffe rouge, y tailla des zigzags pour imiter une crête de coq, et l'ajusta sur la tête de l'oiseau.