« Il serait cependant possible, dit-elle, que ce fût le même soldat de plomb. Je veux le garder avec soin, il me rappellera ce que tu viens de me conter. Tu me conduiras, n'est-ce pas, sur la tombe du vieux monsieur ?
- Je ne sais pas où elle se trouve, répondit-il, j'ai demandé à la voir, personne n'a pu me l'indiquer. Tous ses amis étaient morts. Je sais seulement que c'est très loin d'ici, au moment où on a emporté le cercueil, je n'ai pas questionné, j'étais trop petit pour aller si loin y porter des fleurs.
- Oh ! Comme il a été seul, dans sa tombe également ! dit la dame, personne n'en aura pris soin.
- Moi aussi, j'ai été longtemps bien seul, se dit le soldat de plomb, mais, quelle compensation aujourd'hui, je ne suis pas oublié ! » Comme la dame l'emportait dans la maison, il jeta un dernier regard sur l'endroit où il était resté tant d'années, que vit-il, ressemblant à de la vulgaire terre ? Un morceau de la belle tapisserie. La dorure, elle, avait entièrement disparu. Et, de sa fine oreille, le soldat entendit un murmure où il distinguait ces paroles :
« La dorure passe, mais le cuir reste. » S'il avait pu, il aurait volontiers haussé les épaules, chez lui, couleur et dorure étaient restées.