La Soupe à la brochette II : Ce que la première souricelle avait vu et appris dans ses voyagespage 1 / 4
Je commençai par m'embarquer sur un navire qui vogua vers le nord. Je m'étais laissé dire que le maître queux était un habile homme, qui savait se tirer d'affaire, et que sur mer, en effet, il fallait pouvoir faire la cuisine avec peu de chose. » Peut- être, m'étais-je dit, sera-t-il obligé de faire la soupe avec une brochette, nous verrons alors comme il s'y prendra. » Mais, pas du tout, il y avait là quantité de tranches de lard, de gros tonneaux de viande salée et de belle farine. Ma foi, je vécus dans l'abondance, il ne fut pas question de faire de la soupe à la brochette. Nous naviguâmes bien des nuits et des jours, le navire dansait effroyablement. Enfin nous arrivâmes à destination, tout à l'extrême nord. Je quittai le navire et m'élançai à terre. Je vis devant moi de grandes et épaisses forêts de sapins et de bouleaux, une forte odeur de résine s'en dégageait. D'abord je crus que cela sentait le saucisson, je me précipitai vers le bois, mais tout ce que j'y gagnai, ce fut un rude éternuement. En m'avançant, je trouvai de grands lacs. De loin, on croyait que c'était une immense mare d'encre, mais, de près, l'eau en était claire et limpide. Une troupe de cygnes s'y tenait immobile. D'abord je pensai que c'était un amas d'écume, mais ils sortirent de l'eau, et je les reconnus. Moi, je me tins aux bêtes de mon espèce. Je me liai avec des souris des champs et des bois, mais elles ne savent pas grand-chose, surtout en matière d'art culinaire. Lorsque je leur parlai de la soupe à la brochette elles déclarèrent que la chose était une pure impossibilité, je vis bien qu'elles ne connaissaient pas le secret que je poursuivais. Mais elles m'apprirent pourquoi l'odeur était si forte dans la forêt, pourquoi plantes et fleurs étaient si aromatiques. Nous étions au mois de mai, en plein printemps. Près de la lisière de la forêt, s'élevait une grande perche, haute comme le mât d'un navire, tout en haut, des couronnes de fleurs, des rubans de couleur étaient attachés : c'était l'arbre de mai. Les garçons de ferme et les servantes dansaient autour, au son d'un violon qu'ils accompagnaient en chantant à tue-tête. J'allai me blottir à l'écart, dans une touffe de belle mousse bien douce, la lune donnait en plein sur ce tapis vert, couleur qui repose les yeux quand on les a fatigués. Tout à coup je vis surgir autour de moi toute une troupe de charmantes petites créatures, elles étaient conformées comme des hommes, mais mieux proportionnées. C'étaient des elfes : ils portaient de magnifiques habits, taillés dans les feuilles des plus belles fleurs, garnis avec les ailes des plus brillants scarabées, c'était une délicieuse variété de couleurs. Ils avaient tous l'air de chercher quelque chose dans l'herbe, quelques-uns s'approchèrent de moi.