Les habits neufs de l'empereurpage 4 / 5
- Voici le pantalon, voici l'habit, voici le manteau. C'est léger comme de la toile d'araignée. Il n'y a pas danger que cela vous pèse sur le corps, et voilà surtout en quoi consiste la vertu de cette étoffe.
- Certainement, répondirent les aides de camp, mais ils ne voyaient rien, puisqu'il n'y avait rien.
- Si Votre Altesse daigne se déshabiller, dirent les fripons, nous lui essayerons les habits devant la grande glace. Le grand- duc se déshabilla, et les fripons firent semblant de lui présenter une pièce après l'autre. Ils lui prirent le corps comme pour lui attacher quelque chose. Il se tourna et se retourna devant la glace.
- Grand Dieu ! que cela va bien ! quelle coupe élégante ! s'écrièrent tous les courtisans. Quel dessin ! quelles couleurs ! quel précieux costume ! Le grand maître des cérémonies entra.
- Le dais sous lequel Votre Altesse doit assister à la procession est à la porte, dit-il.
- Bien ! je suis prêt, répondit l'empereur. Je crois que je ne suis pas mal ainsi. Et il se tourna encore une fois devant la glace pour bien regarder l'effet de sa splendeur. Les chambellans qui devaient porter la queue firent semblant de ramasser quelque chose par terre, puis ils élevèrent les mains, ne voulant pas convenir qu'ils ne voyaient rien du tout. Tandis que l'empereur cheminait fièrement à la procession sous son dais magnifique, tous les hommes, dans la rue et aux fenêtres, s'écriaient :
- Quel superbe costume ! Comme la queue en est gracieuse ! Comme la coupe en est parfaite ! Nul ne voulait laisser voir qu'il ne voyait rien, il aurait été déclaré niais ou incapable de remplir un emploi. Jamais les habits de l'empereur n'avaient excité une telle admiration.
- Mais il me semble qu'il n'a pas du tout d'habit, observa un petit enfant.
- Seigneur Dieu, entendez la voix de l'innocence ! dit le père. Et bientôt on chuchota dans la foule en répétant les paroles de l'enfant :
- Il y a un enfant qui dit que l'empereur n'a pas d'habit du tout !