Les habits neufs de l'empereurpage 1 / 5
Il y avait autrefois un empereur qui aimait tant les habits neufs, qu'il dépensait tout son argent à sa toilette. Lorsqu'il passait ses soldats en revue, lorsqu'il allait au spectacle ou à la promenade, il n'avait d'autre but que de montrer ses habits neufs. À chaque heure de la journée, il changeait de vêtements, et comme on dit d'un roi :
- Il est au conseil, on disait de lui :
- l'empereur est à sa garde-robe. La capitale était une ville bien gaie, grâce à la quantité d'étrangers qui passaient, mais un jour il y vint deux fripons qui se donnèrent pour tisserands et déclarèrent savoir tisser la plus magnifique étoffe du monde. Non seulement les couleurs et le dessin étaient extraordinairement beaux, mais les vêtements confectionnés avec cette étoffe possédaient une qualité merveilleuse : ils devenaient invisibles pour toute personne qui ne savait pas bien exercer son emploi ou qui avait l'esprit trop borné.
- Ce sont des habits impayables, pensa l'empereur,
- grâce à eux, je pourrai connaître les hommes incapables de mon gouvernement : je saurai distinguer les habiles des niais. Oui, cette étoffe m'est indispensable. Puis il avança aux deux fripons une forte somme afin qu'ils pussent commencer immédiatement leur travail. Ils dressèrent en effet deux métiers, et firent semblant de travailler, quoiqu'il n'y eût absolument rien sur les bobines. Sans cesse ils demandaient de la soie fine et de l'or magnifique, mais ils mettaient tout cela dans leur sac, travaillant jusqu'au milieu de la nuit avec des métiers vides.
- Il faut cependant que je sache où ils en sont, se dit l'empereur. Mais il se sentait le cœur serré en pensant que les personnes niaises ou incapables de remplir leurs fonctions ne pourraient voir l'étoffe. Ce n'était pas qu'il doutât de lui-même, toutefois il jugea à propos d'envoyer quelqu'un pour examiner le travail avant lui. Tous les habitants de la ville connaissaient la qualité merveilleuse de l'étoffe, et tous brûlaient d'impatience de savoir combien leur voisin était borné ou incapable.