La Bergère et le Ramoneurpage 4 / 5
Au-dessus d'eux, le ciel et toutes ses étoiles, en dessous, les toits de la ville ; ils regardaient au loin, apercevant le monde. Jamais la bergère ne l'aurait imaginé ainsi. Elle appuya sa petite tête sur la poitrine du ramoneur et se mit à sangloter si fort que l'or qui garnissait sa ceinture craquait et tombait en morceaux.
- C'est trop, gémit-elle, je ne peux pas le supporter. Le monde est trop grand. Que ne suis-je encore sur la petite table devant la glace, je ne serai heureuse que lorsque j'y serai retournée. Tu peux bien me ramener à la maison, si tu m'aimes un peu.
Le ramoneur lui parla raison, lui fit souvenir du vieux Chinois, du « sergentmajor- généralcommandantenchefauxpiedsdebouc», mais elle pleurait de plus en plus fort, elle embrassait son petit ramoneur chéri, de sorte qu'il n'y avait rien d'autre à faire que de lui obéir, bien qu'elle eût grand tort.
Alors ils rampèrent de nouveau avec beaucoup de peine pour descendre à travers la cheminée, le tuyau et le foyer ; ce n'était pas du tout agréable. Arrivés dans le poêle sombre, ils prêtèrent l'oreille à ce qui se passait dans le salon. Tout y était silencieux ; alors ils passèrent la tête et... horreur ! Au milieu du parquet gisait le vieux Chinois, tombé en voulant les poursuivre et cassé en trois morceaux ; il n'avait plus de dos et sa tête avait roulé dans un coin. Le sergent-major général se tenait là où il avait toujours été, méditatif.
- C'est affreux, murmura la petite bergère, le vieux grand-père est cassé et c'est de notre faute ; je n'y survivrai pas. Et, de désespoir, elle tordait ses jolies petites mains.
- On peut très bien le requinquer, affirma le ramoneur. Il n'y a qu'à le recoller, ne sois pas si désolée. Si on lui colle le dos et si on lui met une patte de soutien dans la nuque, il sera comme neuf et tout prêt à nous dire de nouveau des choses désagréables.
- Tu crois vraiment ?
Ils regrimpèrent sur la table où ils étaient primitivement.