Le vilain petit canardpage 4 / 10
Et elle lui lissa son plumage.
- D'ailleurs c'est un canard, dit-elle, ça n'a donc pas autant d'importance. Je crois qu'il sera vigoureux et qu'il fera son chemin.
- Les autres canetons sont gentils, dit la vieille, faites donc maintenant comme chez vous, et si vous trouvez une tête d'anguille, vous pourrez me l'apporter !
Et ils furent comme chez eux.
Mais le pauvre caneton qui était sorti de l'oeuf le dernier, et qui était si laid, fut mordu, bousculé et nargué, à la fois par les canes et les poules.
- Il est trop grand, disaient-elles toutes.
Et le dindon, qui, étant né avec des éperons, se croyait empereur se gonfla comme un cargo à pleines voiles, se précipita sur lui, puis glouglouta, et sa tête devint toute rouge. Le pauvre caneton ne savait où se fourrer, il était désolé d'avoir si laide mine et d'être la risée de toute la cour des canards.
Ainsi se passa le premier jour, et ce fut de pis en pis ensuite. Le pauvre caneton fut pourchassé par tout le monde, même ses frères et soeurs étaient méchants pour lui, et disaient :
- Si seulement le chat t'emportait, hou, le vilain !
Et la mère disait :
- Je voudrais que tu sois bien loin !
Et les canards le mordaient, les poules lui donnaient des coups de bec, et la fille qui donnait à manger aux bêtes, le renvoyait du pied.
Alors il s'envola par-dessus la haie ; les petits oiseaux des buissons, effrayés, s'enfuirent en l'air : "c'est parce que je suis si laid", pensa le caneton, et il ferma les yeux, mais s'éloigna tout de même en courant. Et il parvint au grand marais habité par les canards sauvages. Il y passa toute la nuit, très las et triste.
Le matin, les canards sauvages se mirent à voler, ils virent leur nouveau camarade.
- Quelle sorte d'oiseau es-tu ? demandèrent-ils.
Et le caneton se tourna de tous les côtés, et salua du mieux qu'il put.
- Tu es vraiment laid, dirent les canards sauvages, mais ça nous est égal, pourvu que tu ne te maries pas dans notre famille.