Le crapaudpage 1 / 7
Le puits était très profond et par conséquent la corde était longue, qui servait à monter le seau plein d'eau. Quand ce seau arrivait jusqu'à la margelle, on avait bien du mal à l'y poser, tant le vent était violent. Jamais le soleil ne descendait assez bas dans ce puits pour se mirer dans l'eau, mais aussi loin qu'atteignaient ses rayons, les pierres étaient couvertes d'une maigre verdure.
Une famille de crapauds vivait dans le puits. Ils étaient nouveaux venus, puisque c'est la vieille grand-mère - encore vivante - qui y était arrivée, la tête la première. Les grenouilles vertes, établies là depuis bien plus longtemps, et qui nageaient de tous côtés dans l'eau, les considéraient comme des invités de passage, mais voyaient bien qu'ils étaient un peu de leur espèce.
Les crapauds avaient décidé de rester là, ils se plaisaient à vivre «au sec», comme ils disaient des pierres humides.
La mère crapaude avait fait un vrai voyage, et elle s'était trouvée justement dans le seau au moment où quelqu'un le remontait, mais la subite lumière du jour l'éblouit ; elle tomba du seau, droit dans l'eau, avec un « plouf » si terrifiant qu'elle dut rester trois jours couchée, les reins presque brisés. C'est ainsi qu'elle était arrivée là. Elle ne pouvait raconter grand-chose sur le monde extérieur, mais elle savait - et elle le fit savoir à tous - que le puits n'était pas le monde entier. Mère crapaude aurait pu raconter davantage, mais si les grenouilles la questionnaient, elle ne répondait jamais, alors elles ne questionnaient plus.
- Comme elle est grosse et horrible, laide et répugnante, disaient les jeunes grenouilles vertes, et ses petits deviendront exactement comme elle.
- C'est possible, répondait la mère crapaude, mais l'un d'eux a une pierre précieuse dans la tête, ou bien je l'ai moi-même.
Les grenouilles vertes écoutaient ce propos, les yeux ronds de surprise, mais comme elles ne désiraient pas en savoir davantage, elles tournèrent le dos à la vieille et plongèrent jusqu'au fond de l'eau.