Salvette et Bernadoupage 8 / 8
Va pour les Bergers ! A demi-voix, la tête dans les rideaux, Salvette commence à fredonner. Tout à coup, au dernier couplet, quand les pâtres, venant voir Jésus dans son étable, ont déposé sur la crèche leur offrande d'oeufs frais et de fromageons et que, les congédiant d'un air affable,
Joseph leur dit : Allons ! soyez bien sages,
Tournez-vous-en et faites bon voyage.
Bergers,
Prenez votre congé...
voilà le pauvre Bernadou qui glisse et retombe lourdement sur l'oreiller. Son camarade, pensant qu'il s'endort, l'appelle, le secoue. Mais le blessé reste immobile, et la petite branche de houx en travers sur le drap rigide semble déjà la palme verte que l'on met au chevet des morts.
Salvette a compris. Alors, tout pleurant, un peu ivre de la fête et d'une si grande douleur, il reprend à pleine voix dans le silence du dortoir le joyeux refrain de Provence :
Bergers,
Prenez votre congé.