Petit Frère et Petite Soeurpage 6 / 7
Quand cela fut fait, la vieille prit sa fille, lui mit un bonnet sur la tête, et la coucha dans le lit de la reine à sa place. Elle lui donna aussi la forme et les traits de la reine; seulement elle ne put lui rendre l'œil qu'elle avait perdu. Mais, pour que le roi ne le remarquât point, elle devait rester couchée sur le côté où elle était borgne. Le soir, quand le roi revint de la chasse et apprit qu'il lui était né un fils, il se réjouit de tout son cœur et voulut aller près du lit de sa chère femme, pour voir comment elle se trouvait Mais la vieille lui dit bien vite : « Pour Dieu, n'ouvrez pas les rideaux ; la reine ne peut pas encore voir la lumière; elle a besoin de repos. » Le roi s'en retourna, ne se doutant point qu'une fausse reine était couchée dans son lit.
Mais quand minuit fut venu, comme tout le monde dormait, la nourrice, qui était dans la chambre de l'enfant, près de son berceau, et qui veillait toute seule, vit la porte s'ouvrir et la véritable mère entrer. Elle prit l'enfant dans le berceau, le posa sur son bras et lui donna à boire. Puis elle remua son coussin, replaça l'enfant et étendit sur lui la couverture. Elle n'oublia pas non plus le petit chevreuil; elle s'approcha du coin où il reposait, et lui caressa le dos avec la main. Puis elle sortit sans dire un mot; et le lendemain, quand la nourrice demanda aux gardes si quelqu'un était entré dans le palais pendant la nuit, ils répondirent: « Non, nous n'avons vu personne. » Elle vint de même plusieurs nuits, sans jamais prononcer une parole : la nourrice la voyait toujours, mais n'osait pas en parler.
Au bout de quelque temps, la mère commença à parler dans la nuit, et elle dit :
Que fait mon enfant? Que fait mon chevreuil?
Je reviendrai encore deux fois et ne reviendrai plus.
La nourrice ne lui répondit pas; mais, quand elle fut disparue, elle courut vers le roi et lui raconta tout. Le roi dit : « Bon Dieu! qu'est-ce que cela? Je veux veiller la nuit prochaine près de l'enfant. »